mercredi 6 juin 2007

L'Iraq entre défaite et retraite

La lutte factionnelle continue à faire rage et de nouveau, des cadavres anonymes ont commencé à se retrouver partout dans les rues de la capitale alors que ce phénomène avait commencé à disparaître deux semaines plus tôt. Ont resurgi également les groupes de kamikazes qui semaient la terreur par le kidnapping des citoyens et la destruction des mosquées et des bâtiments çà et là. Pis encore, les forces américaines se sont employées à isoler les régions et quartiers de la capitale les uns des autres en construisant des murs de séparation entre les zones habitées par les sunnites et les chiites. Cette dernière mesure représente les plus flagrants aspects d’échec au niveau des relations entre les fils d’une même patrie, l’Iraq. Et apporte une preuve évidente de l’impatience des forces américaines et leur incapacité de contrer les groupuscules armés et les hors-la-loi.
La construction de ce mur de séparation signifie que le nouvel Iraq ne sera plus une société unifiée reposant sur les mêmes principes nationaux iraqiens. Mais confirme que ses relations seront gérées sur les bases d’une peur mutuelle d’Iraqiens qui se trouvent sur le qui-vive. Cette peur réciproque entre les fils d’une même société est l’opposé objectif de la liberté, de la participation populaire et de la démocratie que considèrent Bush ainsi que son Administration comme l’objectif ultime de leur campagne militaire en Iraq, lancée en mars 2003.
A la lumière des deux échecs sécuritaire et politique, est intervenue la nomination du général David Petraeus à la tête des forces américaines en Iraq, qui avait élaboré le guide de la guerre contre le terrorisme. Il l’avait qualifiée de longue et ennuyante, nécessitant le soutien de l’opinion publique mais surtout la patience et le temps.
Le président Bush avait déclaré, le 20 avril dernier, avoir donné des ordres d’introduire des changements majeurs dans sa stratégie appliquée en Iraq et a chargé le général Petraeus de les mettre en vigueur. Une mesure qui viendrait confirmer que la stratégie américaine appliquée auparavant n’avait pas réalisé grand-chose mais qu’à contrario, elle avait signé un échec par excellence. La nouvelle stratégie en est une à long terme, surtout que la scène iraqienne est le plus important objectif dans la guerre contre le terrorisme international mené par Al-Qaëda contre les intérêts américains à l’échelle universelle.
Une nouvelle vision officielle américaine qui n’est pas vouée à la réussite en raison de plusieurs facteurs. Certains reviennent à la nature même de la guerre contre l’Iraq et qui ne se contente pas uniquement d’avoir pour cible Al-Qaëda et les autres organisations du djihad. Mais il est question pour eux d’anéantir également des Iraqiens qui veulent libérer leur pays de l’occupation américaine. Les autres facteurs concernent les conjonctures à Washington, d’autant plus que la guerre contre l’Iraq ne fait plus l’objet d’une unanimité nationale. Ce qui s’est manifestement révélé, lorsque le Congrès a approuvé le nouveau budget d’un montant de 124 milliards de dollars pour financer la guerre en Iraq, dévoilant les tentatives effrénées des Démocrates pour imposer un plan de travail radicalement différent de celui que Bush tend à imposer.
Le Congrès a approuvé la décision du budget supplémentaire alloué aux forces américaines en Iraq et en Afghanistan, tout en fixant un délai temporel pour le rapatriement des forces avec l’avènement du 31 mars 2008. Un délai temporel certes restreint, de moins d’un an, et en contradiction avec la vision de Bush à propos de l’application d’une politique à long terme en Iraq. Et donc l’on peut s’attendre à ce qu’une grande pression soit imposée autant sur les militaires américains et que sur le gouvernement iraqien même. Cet état des faits peut être conçu comme une réussite de la stratégie des groupes opposés à la présence américaine en Iraq. D’ailleurs c’est ce prétexte qu’avancent les Républicains pour abroger cette décision. Il est probable que le président Bush recourt au droit de veto présidentiel contre la décision du Congrès qui ne pourrait pas se dresser contre cette objection présidentielle vu la difficulté de rassembler les deux tiers des voix des membres du Congrès et de la Chambre des représentants pour faire passer la décision ultérieurement.
Cependant un indice important reste évident concernant une division politique qui gagne en acuité. La rupture du consensus américain sur l’Iraq marque un tournant. Elle prend plutôt l’aspect d’une polémique politique et d’un conflit électoral présidentiel qui sera enflammé, selon toute vraisemblance, l’année prochaine entre les Républicains et les Démocrates. Surtout que ces deux ailes entreprennent deux voies contraires. Au moment où les Républicains veulent appliquer des politiques à long terme en Iraq, sans échéances temporelles et sans contraintes financières, les Démocrates essayent d’imposer un délai de retrait plus court.
Les Démocrates argumentent leur position le plus simplement possible. En leur nom le sénateur Harry Ried, chef de la majorité démocrate, s’est exprimé en disant qu’une défaite a été infligée aux Etats-Unis et qu’il ne fallait pas dépenser davantage de fonds sur une guerre perdue. Pour reprendre ses termes, il faut penser comment sortir de ce bourbier iraqien avec les moindres dégâts. peut se reproduire en Iraq. Mais elles laisseront derrière elles le chaos.
Cette division politique américaine d’évaluation de la guerre d’Iraq est susceptible de limiter les mesures entreprises par Bush. L’échec du plan sécuritaire à Bagdad et l’inexistence d’une alternative au cas où les forces américaines se retireraient de l’Iraq dans un court délai surtout que les forces sécuritaires iraqiennes se trouvent inaptes à sauvegarder la sécurité après le retrait, mettent l’Iraq à un tournant dangereux. Karim Bakhati, le conseiller du vice-président iraqien a exprimé son désespoir. Il a considéré que le retrait américain actuel, avant que les forces iraqiennes ne soient prédisposées, laisserait un vide sécuritaire et le chaos régnerait non seulement en Iraq mais dans le voisinage.
Le problème majeur est que le gouvernement Al-Maliki n’est pas qualifié pour tenir fermement les rênes du pouvoir et n’a pas l’appui nécessaire de la base populaire. Le commandant des forces américaines en Iraq a déclaré qu’il ne s’agit pas en Iraq d’un gouvernement d’union nationale mais d’un gouvernement formé d’une multitude de leaders politiques toutes tendances confondues et avec des agendas différents et restreints. Ceci signifie que la supposée coopération entre ce gouvernement et les forces américaines ne sera pas réalisée au niveau requis. Et donc elle ne contribuera pas à contrer les groupes armés d’une part et à préparer des institutions iraqiennes ponctuelles capables de remplir leurs missions sécuritaires nationales. Un résultat qui confirme un seul constat : que l’occupation américaine est une grande débâcle en Iraq et qu’il est difficile d’augurer un moyen décent de lui mettre un terme.

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